Mon clito et moi: 7 femmes nous racontent leur rapport intime au plaisir
Atteindre l’orgasme semble souvent bien plus compliqué pour une femme que pour un homme. Et pourtant, nous avons un petit organe entièrement dédié à notre plaisir. Le problème: on ne sait pas forcément vraiment comment il marche. La solution : lui demander! PAR FLORENCE HAINAUT. PHOTO: GETTY IMAGES.
DIALOGUE AVEC MON CLITORIS
Prenez une feuille et dessinez un clitoris. Pas seulement le petit morceau de chair rosée qui dépasse, tout le clitoris. Vous calez? Normal. A priori, quasi aucun.e de nous n’a étudié cet organe à l’école. Maintenant, dessinez un pénis. C’est plus facile, non? Pourquoi, en 2020, ne sait-on pas vraiment à quoi ressemble l’organe du plaisir chez la femme?
D’après une étude française, un quart des filles de 15 ans ignorent qu’elles ont un clitoris et 83 % ne savent pas à quoi il sert. Mais à jouir, nom d’un cunni! Elles sont jeunes, elles apprendront, vous direz-vous. Pas sûr. Selon une étude du collectif « Osez le clitoris », 20% des femmes adultes n’arrivent pas à le situer correctement et 42 % ne savent pas qu’il est uniquement dédié au plaisir. Mais qu’avons-nous fait toutes ces années? 7 femmes nous racontent comment elles ont découvert le plaisir et enfin appris à écouter leur désir.
« Je suis née en même temps que le sida. Pour moi, la sexualité a toujours été associée au danger, à la maladie. Il a fallu des années pour que j’aborde le sexe comme un grand festival où j’avais le choix d’assister à tel ou tel concert ou de faire une pause au village gourmand. Jeune adulte, j’ai eu une aventure d’un soir avec un collègue. Le lendemain, j’étais en miettes. De honte de m’être abandonnée, de peur que ma réputation soit faite. J’ai appelé ma mère, je ne sais même pas pourquoi, elle n’a jamais été pour moi une interlocutrice sur le sujet. Or, ce jour-là, elle a changé ma vie. Elle m’a juste demandé si j’en avais eu envie. J’ai dit oui. Et elle m’a dit qu’on avait tous droit au plaisir. Ça a l’air bête dit comme ça, mais ça a été une révélation. Ce vieux fardeau de honte que je portais sans le réaliser s’est doucement allégé. »
« EN FAIT, JE FAISAIS L’AMOUR POUR LES AUTRES, PAS POUR MOI. JE NE SUIS MÊME PAS SÛRE QUE J’Y PRENAIS DU PLAISIR. À PART CELUI DE ME SENTIR DÉSIRÉE »
« Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours fait l’amour comme dans un film porno. Tous les codes y passaient : les grands cris, les positions impossibles, le suçage de doigts avec regard gourmand, le miroir en pied pour qu’ils puissent voir ce qu’ils me faisaient… J’avais l’impression d’avoir une sexualité super épanouie et d’être libérée. En fait, je faisais l’amour pour les autres, pas pour moi. Je ne suis même pas sûre que j’y prenais du plaisir, à part celui de me sentir désirée. Un jour, j’ai rencontré un type peut-être plus intelligent que les autres. Alors que je devais être en train de le chevaucher en hurlant des trucs salaces, il s’est arrêté et m’a demandé : “Tu fais quoi, exactement ?” Je n’ai pas su quoi répondre. On a repris, mais plus doucement, sensuellement. C’est le premier homme qui s’est occupé de mon clitoris, qui a cherché à me faire jouir. J’en ai été complètement déstabilisée, je ne savais plus comment faire l’amour. Après lui, j’ai pris le temps de me découvrir, de me caresser. Aujourd’hui, j’ai arrêté d’envisager le sexe comme une commedia dell’arte. Le don de soi, c’est sympa, mais ça ne fait pas jouir. Et jouir, ça change la vie. »
« Sur Twitter, je suis tombée sur une jeune fille qui racontait son coup d’un soir et la déception d’être une nouvelle fois tombée sur un type qui pense que faire l’amour se résume à quelques va-et-vient et une éjaculation. Jusqu’ici, rien de neuf sous le soleil et je me dis qu’elle est mignonne, du haut de ses 20 ans. Elle continue et raconte qu’elle lui a dit, après qu’il a joui: “Et moi ?” Devant l’incrédulité de son amant, elle lui a expliqué que l’amour, ça se fait à deux et que ça ne s’arrête pas quand le premier jouit, qu’elle a aussi le droit d’avoir un orgasme et qu’il n’a pas dix doigts pour rien. Là, j’ai arrêté de rire. C’est comme si j’avais découvert l’Amérique. Alors comme ça, un rapport sexuel peut continuer après que l’homme a éjaculé ? Et l’orgasme est un droit ? Ça fait deux semaines que je ne pense qu’à ça. J’ai l’impression d’avoir été flouée pendant des années. Et je ne sais pas quoi faire de cette information. Ça fait 30 ans que je suis mariée. Je fais quoi ? J’annonce à mon mari que les règles ont changé ? Je n’ai aucune idée de comment amener ça. Mais il me semble aujourd’hui inconcevable de continuer à accepter que mon orgasme a moins d’importance que le sien. »
« À 45 ANS, JE N’AVAIS JAMAIS UTILISÉ DE SEX TOY ET LA MASTURBATION M’APPARAISSAIT COMME UNE FANTAISIE D’ADOLESCENTE »
« Ma vie sexuelle a pris un tournant il y a deux ans, quand je suis tombée sur un article américain dithyrambique sur un vibromasseur, un truc recommandé par un paquet de féministes et de stars, le Hitachi Magic Wand Massager. À 45 ans, je n’avais jamais utilisé de sex toy et la masturbation m’apparaissait comme une fantaisie d’adolescente. À la base, ce fameux appareil, c’est un outil de massage, qui s’est aussi avéré un excellent stimulateur clitoridien. Je ne sais pas pourquoi, je l’ai commandé dans la foulée. 110 € tout de même, mais ça restait moins cher que le Babycook que je venais d’offrir à la fille d’une amie. Cet appareil a changé ma vie (pas le Babycook, l’autre). J’ai découvert que je pouvais atteindre l’orgasme seule et en quelques minutes, mais aussi que je pouvais en avoir plusieurs d’affilée. Aujourd’hui, la masturbation fait partie de mon quotidien. Certaines font un quart d’heure de gym par jour, moi je me masturbe. J’en sors épanouie, pleine d’énergie. Et je reste fascinée par ce monde de plaisir que je m’étais refusé jusque-là. »
« J’ai commencé à me masturber il y a quatre ans. Jusque-là, ça ne m’avait pas vraiment branchée, mais je me suis dit qu’en tant que féministe, même si j’avais un copain et que tout se passait bien, je devais aussi apprendre à être autonome. J’ai essayé plusieurs trucs, jusqu’à ce que je trouve ce qui fonctionne pour moi. J’ai dû apprendre à être bienveillante avec mes fantasmes parce qu’ils sont clairement très misogynes. Je me mets parfois dans la peau d’un vieux gars qui se fait plein de jeunes filles. J’ai appris à faire la part des choses : je suis le produit d’une société sexiste et je vais l’assumer. Et puis ce sont des fantasmes. La rapidité avec laquelle j’atteins l’orgasme dépend du support. Avec du porno, c’est plié en 20 secondes. Mais j’essaie d’arrêter, je trouve que c’est tellement violent envers les femmes que ça me dérange de me masturber là-dessus. Je lis pas mal de nouvelles érotiques, de BD. Pour moi, le problème, c’est que notre sexualité de femme est associée à des trucs flous. Un mec, tu lui montres une photo de fille à poil, il peut jouir. Nous, c’est plus compliqué. »
« PARFOIS, JE PENSE À MON COMPAGNON, PARFOIS, C’EST TRÈS RARE, J’IMAGINE QUE JE SUIS AVEC QUELQU’UN QUI M’A TAPÉ DANS L’OEIL. JE RESSENS TOUJOURS LA MÊME SENSATION, CE FEU D’ARTIFICE »
« Ma révélation, c’est Annie Sprinkle, l’actrice porno. C’est une militante qui a toujours eu un discours hyper décomplexé et bienveillant sur la sexualité, et ça, c’était nouveau pour moi. Avant, je me sentais un peu utilisée, comme un objet. Je me disais que ça aurait été la tarte aux pommes du film American Pie ou moi, ça aurait été pareil. Elle a ce discours plein d’humour où soudainement,le sexe devient quelque chose d’hyper naturel. Je me suis sentie autorisée à explorer, d’abord en regardant du porno. Je ne savais pas ce qu’étaient mes fantasmes, donc j’ai regardé des fantasmes déjà faits pour savoir lesquels me faisaient réagir. J’ai réalisé qu’avant même d’avoir une vie sexuelle, je savais comment faire jouir un garçon. Mais je ne savais pas comment me faire jouir moi. J’ai appris le plaisir et l’orgasme comme on apprend la cuisine, en testant. Si c’est pas bon, c’est pas grave, j’inviterai des gens quand la recette sera au point. Ça m’a permis d’être plus assertive dans mes relations vu que je me connaissais mieux. La difficulté, c’est qu’à un moment, j’ai trouvé que les garçons étaient fort coincés. Ils ont des scripts très précis et plein d’interdits : il ne faut pas les toucher là, leur dire ceci ou cela. À l’inverse, avec les filles, j’ai découvert que c’était beaucoup plus ouvert, le champ des possibles était nettement plus grand, on pouvait discuter plus facilement de nos envies, nos limites. »
« Je devais avoir environ 20 ans la première fois que je me suis touchée. Je n’avais jamais vu de film porno de ma vie mais comme ça avait l’air d’exciter les garçons, je voulais tenter. J’ai mis du temps à trouver le genre de scénario qui me plaisait. Globalement, je trouvais le porno assez violent, les femmes y faisaient des choses qui m’effrayaient. Je me demandais si je devais faire la même chose. C’était assez perturbant. Chaque fois que j’en regardais un, j’attendais que l’excitation monte pour me caresser. Et puis un soir, en plein blocus, j’ai eu envie, comme ça, de me faire jouir. Sans film, sans rien, juste moi. Pour voir si ça fonctionnait. Et c’était le cas ! J’ai fini par trouver une technique imparable. Parfois, je prends mon temps, je me caresse les lèvres avant, je mets de l’huile, et j’attends que ça monte. Quand l’excitation atteint son paroxysme, j’introduis un ou deux doigts dans mon vagin, je plaque ma main sur mon clitoris et je la fais tourner dans le sens des aiguilles d’une montre en remuant mes doigts en même temps. Il me faut à peine 30 secondes pour jouir. Dans ma tête, il ne se passe pas grand-chose. C’est juste moi et mon corps. Parfois, je pense à mon compagnon, parfois, c’est très rare, j’imagine que je suis avec quelqu’un qui m’a tapé dans l’oeil. Je ressens toujours la même sensation, ce feu d’artifice. »
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