Fiable ou fake: peut-on vraiment croire aux applis d’astrologie?
Consulter son horoscope ne se fait plus en douce ou sous prétexte d’en rire. C’est même devenu très tendance. Certaines applis font le buzz avec la promesse d’une hyperpersonnalisation confondante (selon les nombreux adeptes, en tout cas). D’après un texte de Kelly Deriemaeker.
Comme la plupart des gens, je connais mon signe astrologique. Mais ça fait quinze ans que j’ai arrêté de m’intéresser aux horoscopes. Le jour où j’ai rencontré mon homme a instantanément répondu à la question que je posais aux astres : rencontrerai-je un jour un beau prince ténébreux ? Oui donc. Merci le ciel. Dossier clos. Mon intérêt pour l’ésotérisme s’étant mis en veilleuse, je suis restée longtemps hermétique au phénomène ambiant. Il y a dix jours encore, je n’étais pas au courant de l’appli phare du moment : The Pattern. Elle devenue furieusement virale quand l’acteur américain Channing Tatum a partagé une vidéo où il demandait, quasi en état choc, que les gens derrière l’appli le contactent personnellement. L’appli venait de lui conseiller précisément ce que son psy lui avait dit la veille. « Comment faites-vous cela ? Appelez-moi ! Si vous savez tellement de choses sur moi, vous connaissez sûrement mon numéro de téléphone ! »
Le testing
Sur Twitter, les fans de The Pattern sont nombreux à se demander comment une appli peut les connaître mieux qu’eux-mêmes. Et même Els Keymeulen, notre très crédible collègue et journaliste mode, est fan : « Dès la seconde où j’ai installé The Pattern sur mon GSM, j’ai été bluffée par sa précision. À la différence d’un horoscope quotidien, l’appli se base sur le moment précis de ta naissance et elle va en profondeur dans ton caractère et ta façon de réagir aux événements. » J’ai donc téléchargé l’appli, mais mes premiers pas avec The Pattern ont été moins bouleversants. Les notifications matinales reçues sur mon GSM tenaient plus de la description de personnalité que de la prédiction.
« Même scepticisme face aux messages me disant que je suis une personne qui mérite de l’attention (qui n’en mérite pas ?) »
J’ai cru comprendre entre les lignes que l’appli me considérait comme une rebelle. Aussi flatteur que cela me paraisse, je suis assez consciente que c’est surtout une qualité que j’aurais aimé avoir. Même scepticisme face aux messages me disant que je suis une personne qui mérite de l’attention (qui n’en mérite pas ?), ou que je reprends du poil de la bête quand je me sens bien au travail (parce que les autres non ?). « Vous traversez beaucoup de choses en ce moment », me dit encore l’app. On est en 2020... Sans blague ! Quand je confie à Els que les notifications de The Pattern ne me clouent pas sur place, elle me rassure : ça ne va pas tarder.
Pourquoi ces apps nous rassurent?
Elle n’est pas seule à être fascinée. Je découvre que les millennials croient tout autant en la science qu’en l’astrologie et les spiritualités. Les petits tests d’astro autoproclamés « hyperpersonnalisés » ont un succès viral, d’autant plus qu’ils sont très partageables. Autre atout : ils vous donnent le sentiment d’être unique. Le site d’astrologie The Daily Hunch prouve qu’il a tout compris avec son slogan « You’re one in 7 billion, not one in 12 ». L’ère de l’horoscope à 12 signes est révolue.
« Plus nous nous sentons en insécurité, plus nous sommes attirés par l’astrologie prédictive, ressort-il d’une étude américaine »
Outre à son accessibilité et à cette façon de s’adresser « rien qu’à vous », le succès de l’astrologie prédictive tient aussi à l’époque incertaine que nous traversons. Comme le formule cet article du New Yorker : « Dans les années Obama, on trouvait l’astro sympa ; dans les années Trump, on en a besoin. » Plus nous nous sentons en insécurité, plus nous sommes attirés par l’astrologie prédictive, ressort-il d’une enquête de l’Américan Psychological Association. Et justement, les millennials sont nettement plus stressés que toutes les générations qui les ont précédés, et ce stress ne cesse d’augmenter. « Les gens sont des animaux qui vivent dans des histoires, explique Dick Houtman, professeur de sociologie culturelle à l’Université de Louvain. On a besoin de ces histoires pour donner du sens à ce que nous vivons. L’insécurité ambiante, dans ce monde compliqué, nous pousse à chercher des points d’appui sûrs. On veut des réponses aux questions “Est-ce grave ?” et “Pourquoi cela se passe-t-il maintenant ?” »
C’est tout à fait moi!
Votre horoscope vous semble parfois étonnamment adapté ? Selon une étude de la Bri- tish Psychological Society, si vous décrivez un profil de personnalité à quelqu’un en lui prétendant que c’est le sien, il va très probablement le trouver approprié. En lisant notre horoscope, on se sent alors automatiquement concerné. Que le contenu soit vrai semble manifestement moins important que le plaisir d’être considéré. C’est un peu comparable à chercher la vérité dans un bon film ou un bon roman.
« J’ai désinstallé l’appli de mon téléphone après une grosse semaine, un dénouement que l’algorithme n’avait sans doute pas prédit »
Il y a deux jours, à l’heure où je ressentais particulièrement les effets de la fatigue hivernale, une notification de The Pattern m’a à nouveau décrite comme un puits d’énergie guerrière. Ce compliment m’a aidée à relativiser les précédentes prédictions, inquié- tantes, elles, au sujet de mon couple. Selon The Pattern, les prochaines semaines seront déterminantes pour mon prince et moi : ou on se sépare ou on devient plus forts. Mon homme est tombé des nues quand je lui en ai parlé. Au point que j’ai envisagé un instant d’encoder sa date de naissance pour vérifier si cet étonnement s’expliquait par son signe astral. Finalement, je ne l’ai pas fait. Et j’ai enlevé l’appli de mon téléphone après une grosse semaine, un dénouement que l’algorithme n’avait sans doute pas prédit. Pour l’heure, le prince et moi sommes toujours ensemble.
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