(c) Diego Franssens

Dans le quotidien d’une nounou: « Je suis la troisième grand-mère de la famille »

Derrière le rêve d’un équilibre entre vie pro et vie privée, il y a un quotidien chargé. Déléguer une partie de son rôle parental, ça n’est pas s’avouer démissionnaire. Encore faut-il trouver la bonne personne... Nous avons rencontré Annie, 57 ans, nounou d’une petite fille de 3 ans. Par Joanie De Rijke. Photos: Diego Franssens. 

Annie, 57 ans, est la nounou de Filippa, 3 ans

« En 2019, il a fallu que je commence à me ménager sur le plan professionnel pour des raisons médicales. J’étais femme de ménage à temps partiel et je souhaitais trouver en complément un travail moins exigeant physiquement. J’ai rejoint un service de nounous, ce qui correspondait parfaitement à mon profil. Mes premières années en tant que nounou, j’ai travaillé chez un jeune couple qui avait un petit garçon de 3 mois. Plus tard, des jumeaux sont venus s’ajouter. Mais au début de l’année, une opération du genou m’a obligée à rester à la maison pendant quelques mois et j’ai malheureusement dû démissionner. Depuis peu, je travaille à nouveau comme nounou, pour une famille de deux enfants. Je suis là quatre après-midi par semaine. Le plus petit est emmené et récupéré à la crèche par les parents, je m’occupe de l’aînée, une petite fille de 3 ans qui s’appelle Filippa. Je vais la chercher à l’école tous les jours de la semaine — sauf le mercredi — et je reste avec elle jusqu’à ce que les parents rentrent du travail. J’effectue aussi quelques petits travaux ménagers : je débarrasse la table, je fais un peu de repassage, je m’occupe du dîner et je fais des courses. Je ne vis pas sur place, je rentre chez moi tous les soirs.

Mon expérience en tant que nounou a été positive jusqu’à présent. Le lien se crée progressivement entre Filippa et moi. Avec le petit garçon de la famille précédente aussi, nos rapports étaient très chaleureux. Filippa est dans la même école que lui et chaque fois que je me présente à la grille de l’école, il court vers moi, m’entoure de ses petits bras et crie : “Nanny !” C’est toujours vers moi et pas sa nounou actuelle qu’il se précipite en premier. C’est ce qui fait la beauté de ce travail : on devient un peu comme une famille. Je n’ai pas encore de petits-enfants, mais j’ai souvent l’impression d’être la “troisième grand-mère”, comme m’appelait la maman de la famille précédente.

Je suis moi-même mère de deux enfants et même s’ils sont maintenant autonomes, je pense que le fait d’avoir déjà vécu tout cela m’aide beaucoup.

Je n’ai jamais eu de vrais problèmes avec les enfants. Bien sûr, ils sont parfois trop excités ou contrariés, mais je suis de nature calme. Je pose des limites, mais en douceur. Il s’agit surtout de trouver le juste milieu. Il faut aussi connaître les habitudes de la famille, et généralement, on arrive toujours à composer avec. Je suis moi-même mère de deux enfants et même s’ils sont maintenant autonomes, je pense que le fait d’avoir déjà vécu tout cela m’aide beaucoup.

Il faut bien sûr que les deux parties se fassent confiance. Il arrive qu’un enfant se blesse. Avec ce qu’on entend parfois sur ce qu’il peut se passer dans les crèches, c’est très délicat. Il faut en parler immédiatement aux parents. Si moi-même j’ai du mal avec quelque chose, j’en parle, je ne laisse pas traîner les choses. Et puis il faut accepter qu’on ne peut pas tout faire. À un moment cette semaine, Filippa a refusé de manger, je n’ai pas réussi à la faire changer d’avis. Quand son papa est rentré, il lui a fait des pommes de terre et elle les a mangées. Je me suis sentie très coupable que le papa doive encore, après sa journée de travail, préparer un repas pour sa petite fille. Mais lorsque j’ai abordé le sujet avec les parents, ils m’ont dit de ne surtout pas me sentir mal. L’ouverture d’esprit et une bonne communication sont très importantes. Dans ma précédente famille, le garçon était très petit. Même lorsque sa mère était là, c’est d’abord à moi qu’il par- lait. Là aussi, j’ai culpabilisé, car je voulais bien sûr qu’il aille d’abord vers sa mère. Mais à cette période, il me voyait plus que sa mère, parce qu’elle travaillait jusque très tard. C’est moi qui le nourrissais, lui donnais son bain et le mettais au lit. En fin de compte, il s’est avéré que la mère n’avait aucun problème avec cette situation, elle ne se sentait pas du tout reléguée au deuxième plan. Cela fait maintenant quatre ans que je travaille comme nounou et j’apprends encore tous les jours. Bien sûr, il faut qu’il y ait un déclic avec la famille pour laquelle on travaille, sinon cela devient difficile. Mais si tout continue comme cela a commencé, je pourrai faire ce métier pendant de nombreuses années encore. »

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